La commission est co-dirigée par l’historienne française Karine Ramondy et l’artiste camerounais Blick Bassy. Elle va se pencher sur le « rôle et l’engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition entre 1945 et 1971« , précisent-ils devant une trentaine de journalistes réunis lors d’une conférence de presse au centre culturel Ubuntu à Yaoundé. La commission rendra ses travaux publics « fin 2024« , ajoutent les deux co-présidents, qui ont fait la lecture d’un communiqué.
Cette commission comprend un volet scientifique, pour « fournir une analyse de l’histoire de cette période« , indique Karine Ramondy. Elle coordonnera une équipe de 15 chercheurs camerounais et français qui auront accès « à la totalité des archives publiques françaises, y compris celles encore classifiées« .
Une histoire sanglante
Après la défaite de l’Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale en 1918, la Société des Nations (SDN, ancêtre de l’ONU) avait confié la majeure partie de la colonie allemande du Kamerun à la tutelle de la France et le reste – la partie occidentale bordant le Nigeria – au Royaume-Uni.
Avant l’indépendance du pays en 1960, les autorités françaises ont réprimé dans le sang les « maquis » de l’UPC (Union des populations du Cameroun), un parti nationaliste fondé à la fin des années 1940 et engagé dans la lutte armée contre le colonisateur et ses alliés camerounais, particulièrement en pays Bamiléké. Plusieurs dizaines de milliers de militants pro-UPC, dont le leader indépendantiste Ruben Um Nyobè, ont été massacrés d’abord par l’armée française, puis après l’indépendance par l’armée camerounaise du régime d’Ahmadou Ahidjo (1960-1982).
Je ne vais pas travailler avec les historiens, mais plutôt avec les associations et les gens de terrain
Blick Bassy, co-président de la commission
Une certaine critique
Le second volet de la commission, animé par Blick Bassy, se penchera sur les enjeux « patrimoniaux et artistiques« , notamment l’étude du « patrimoine oral et matériel » de cette période.
La désignation des co-présidents avait suscité les critiques d’une partie de la communauté scientifique camerounaise. Le professeur Daniel Abwa, président de la Société camerounaise d’histoire (SCH), avait notamment regretté « une volonté française d’écrire l’histoire du Cameroun sans les historiens camerounais« , dans un communiqué. « Les gens se sont appuyés sur une rumeur pour faire des débats« , répond Blick Bassy. « Je ne vais pas travailler avec les historiens, mais plutôt avec les associations et les gens de terrain« .